Les signatures ont évolué des sceaux et cachets de la noblesse jusqu'à devenir des exercices manuels entre le XIIème et le XVIème siècle. En 1554, la signature manuelle devient la seule marque autorisée sur les actes notariés, puis plus tard sur les registres d’état civil.
D'après l'étude Maggiolo, la Charente est historiquement un des départements les moins alphabétisés et donc ou les signatures sur les actes d’état civil sont les moins courantes. On s'attend donc a ce que beaucoup d'actes n'aient pas ou peu de signatures. Heureusement on en trouve couramment, même dans les actes très anciens, et on peut essayer d'apprendre quelque chose sur leurs propriétaires.
Une signature n'est pas une source certaine d'information sur le niveau d’éducation d'une personne. Mais il est généralement admis qu'elle peut donner un bon indice de ce niveau en comparant l'assurance du geste, le contrôle de la plume, et la complexité du texte. Un journalier n’étant jamais allé a l’école ne saura pas signer ou signera a partir d'un modèle d'une façon très hésitante. La signature ressemble a ce qu'un enfant de maternelle moderne ferait. Un propriétaire terrien qui doit signer régulièrement pour l'achat ou la vente de biens saura signer seul et la signature montrera une certaine expérience de l'acte. Un notaire, qui va vivre de son écriture, aura une signature très fluide, élaborée, et souvent suivie d'un cachet.
Au cours de XVeme et XVIeme siècles, la plupart de mes ancêtres RAGUENAUD soit ne savent pas signer, soit signent de façon très hésitante. On rencontre très souvent la mention "a déclaré ne savoir signer".
A partir du XVII siècle, on rencontre beaucoup de signatures hésitantes qui montrent un degré d’éducation très faible. Il est probable que la plupart ne savaient pas écrire, et seulement certains savaient lire a un niveau assez sommaires. Il n'est pas sur qu'ils comprenaient le sens de ce qu'ils lisaient.
Au XVIIIeme, beaucoup dans ma famille savaient signer et la mention "ne sait signer" disparaît presque pour les hommes. Par exemple, René, un cousin de Pierre et Jean signe de la façon suivante en 1740:
La signature montre un niveau d’éducation suffisant pour signer seul, d'une façon assez assurée, mais la signature est simple, et le contrôle de la plume assez sommaire. Cette signature est typique de la période.
Pierre RAGUENAUD, né le 10/01/1719 a Moulidars, est le fils d'Anthoine RAGUENAUD et Charlotte ROY (ses secondes noces). Son frère Jean, mon sosa 256, est né le 30/03/1709, aussi a Moulidars. Tous deux ont une signature très différente de leurs contemporains.
Jean a été garde des eux et forets du Roy et cultivateur. Il a donc du savoir lire, écrire, et signer pour sa profession. Sa signature est donc plus assurée et élaborée que la moyenne, et inclut une initiale dans le nom avec un peu d'imagination. Il embellit aussi cette signature un paraphe en 1738:
Le paraphe se développe un peu en 1741:
Pierre, son frère, a une signature plus élaborée. Elle commence comme celle de Jean en 1737:
Mais très vite au cours des actes, elle devient plus complexe, créée d'une façon très sure et rapide, avec initiale, et un paraphe complexe. L'orthographe du nom devient RAGUENAUD au lieu des nombreuses variations de façon définitive:
Finalement, dans les années 1740, la signature s'orne d'une ruche, en faisant plus quelque chose plus près de ce qu'un notaire de l’époque utiliserait:
Le but était clairement de se distinguer des autres signatures sur la même page pour montrer son importance.
Je ne sais pas quelle profession Pierre avait. Les actes qu'il a signés ne le mentionnent pas. Mais a travers le temps il a été le signataire d'un très grand nombre d'actes d’état civil de la famille, même quand les actes décrits ne le concernaient pas directement.
Il est certain que les deux frères ont du recevoir une éducation privée. Au mieux, quand le village avait une école et un instituteur, l’éducation de l’époque insistait sur la lecture principalement et les classes n'avaient lieu que pendant les mois d'hiver pour libérer les enfants pour travailler aux champs pendant le printemps et l’été. Il est donc clair que leurs parents étaient au moins des cultivateurs aisés qui pouvaient détourner une partie de leurs revenus pour l’éducation de leurs enfants. Même les filles signent leurs actes d’état civil en 1738, bien que de façon très hésitante et sûrement à partir d'un modèle ;
Apres la génération de Jean et Pierre, les signatures de leurs descendants se simplifient de nouveau, montrant que le niveau d’éducation a baisse et est de nouveau dans la moyenne.
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